Voyage à Tokyo n'est pas un film facile à voir, on est sans doute dans ce qui se fait de plus lent en terme de rythme. L'intrigue est absolument inexistante, n’espérez pas trouver du suspens, n’espérez pas être motivé ou relancé par le scénario, ou les situations, ne nourrissez pas l'espoir du rebondissement ou de l'inattendu. Voyage à Tokyo, c'est cette difficulté de saisir la vie comme elle est, de saisir la patience ou le repos.

Car le film d'Ozu peut paraître éprouvant dans les premiers instants, mais pour peu qu'on comprenne rapidement l'attitude à adopter, c'est l'effet inverse qui se produit (commencez peut-être Ozu par Le Goût du Saké, vous serez dans de meilleures conditions pour regarder ce chef d'oeuvre). Le voyage à tokyo est un film simplement reposant, sincère, sobre, un film doux où le rythme ne nous bouscule jamais, nous sommes simplement spectateur dans un monde de vieux sages qui nous font partager cette attitude de sage. Ozu nous oblige à prendre notre temps, à nous contenter des choses simples, à maîtriser nos désirs pour s'inscrire dans une certaine temporalité, à maîtriser nos humeurs pour redécouvrir une certaine paix.

A ce titre, l'effet que produit le Voyage à Tokyo sur nous s'inscrit dans cette temporalité. Car si on a du mal à rentrer dedans, on se laisse de plus en plus bercer par ce "spectacle" semblable à celui des vieux qui s’assoient sur un banc toute la journée pour donner à manger aux pigeons ou regarder les passants, on est pris au jeu de ce relâchement, on se met nous aussi dans une certaine retraite qui surtout perdure après le film.

Beaucoup qualifient le film de "sobre", mais j'opterai bien plus pour doux. Le voyage à Tokyo est doux. C'est un film très beau, très japonnais dans son esprit, qui présente les aspects les plus touchants de la vieillesse, sans jamais être naïf, ou encore plus généralement des relations générationnelles dans une famille, en en tirant le plus beau ou le plus triste, dans un équilibre toujours parfait. Surtout Ozu trouve toujours le ton pour être honnête, à la fois si proche de la réalité tout en ayant le génie de saisir le plus important, le plus éloquent.

Confucius prônait l'harmonie comme mode de vie, et si nous sommes capable de remettre en cause notre façon habituelle de regarder des films, on saisira parfaitement que Voyage à Tokyo représente cet idéal, cette attitude sage qui nous permet de trouver une place parmi les joies et les tristesses de la vie, pour trouver enfin le repos nécessaire.