Un coup de téléphone d’une de ses amies réveille Mahin, 70 ans. « Tu sais qu’il ne faut pas m’appeler le matin, je dors mal la nuit » dit-elle. « Mais il est déjà plus de midi ». Dès cette première scène le ton est donné, nous ne serons pas dans la chronique ordinaire de la vie d’une septuagénaire, plutôt dans celle d’une vielle dame (pas du tout) indigne. Veuve, Mahin vit dans un appartement où elle reçoit ses copines pour parler, rire et médire, mais souffre de solitude. Un jour, dans un restaurant pour retraités, elle repère Faramarz, un chauffeur de taxi célibataire et jette son dévolu sur lui. Avec une détermination douce et non sans audace, elle l’invite à venir chez elle...
Cela sera le début d’une soirée mémorable sous le signe du charme, mais aussi celui de l’humour et de l’autodérision. Mon gâteau préféré apporte quelque chose de neuf. Le regard décomplexé et frontal des cinéastes fait mouche et rarement des sujets tels que la sexualité, la politique du régime en place ou le port du voile (très forte scène dans un jardin public, où Mahin défend une jeune fille face à la police), ont été abordés ainsi. Le fond est grave, bien sûr, mais le ton le plus souvent léger ; les deux personnages sont totalement irrésistibles et leur âge semble leur permettre de transgresser beaucoup d’interdits. Cet hymne à la jouissance d’automne est gorgé d’humanité, de tendresse et de bonne chère. Un acte de résistance et une délicieuse ode à la vie.

Ces dernières années on a pu voir nombre de beaux films iraniens, comme Aucun ours de Jafar Panahi, Un héros d’Asghar Faradi, Leila et ses frères de Saeed Roustaee, Chroniques de Téhéran d’Ali Asgari et Alireza Khatami, sans oublier Mohammad Rasoulof et le récent Les Graines du figuier sauvage. Voici donc maintenant Mon gâteau préféré, œuvre d’un couple de cinéastes, Maryam Moghadam et Behtash Sanaeeha, déjà auteurs, en 2021, du remarqué Le Pardon. Le courage de ce couple s’est vu condamné (comme malheureusement beaucoup d’autres) par le régime en place. Interdits de quitter leur pays depuis plus d’un an, c’est leur actrice, Lili Farhadpour qui a lu le texte suivant lors de la présentation du film à la Berlinale, « Nous avons décidé de franchir toutes les lignes rouges restrictives et d’accepter les conséquences de notre choix de peindre une image réelle des femmes iraniennes, des images qui ont été interdites dans le cinéma iranien depuis la révolution islamique ».

JF

Pétition de soutien aux réalisateurs-rices de ce film.