Stefan est un ouvrier du bâtiment qui s’apprête à partir en vacances dans son pays, la Roumanie. Mais avant, il vide son réfrigérateur et, avec les légumes qui lui restent, il fabrique une soupe qu’il part distribuer à ses proches. En s’arrêtant chez un traiteur chinois, il croise Shuxiu, spécialisée en bryologie, l’étude des mousses...

Sur ce point de départ somme toute assez ordinaire, Bas Devos (auteur du déjà très beau Ghost Tropic) réalise un film qui ne l’est pas du tout. Car ce récit, en apparence tout simple, parvient à ouvrir tout un monde. Portrait chaleureux du vivre-ensemble, le film valorise le partage (le choix de la soupe, qui agit comme un sésame, n’est, bien sûr, pas anodin) et révèle les liens qui nous unissent. Sans drame, sans grand discours, le regard humble et amoureux du cinéaste transforme ces personnages modestes en géants. Loin de toute frénésie et en gardant une part de mystère, Bas Devos s’attache à composer des tableaux poétiques et picturalement magnifiques, comme dans les scènes de sous-bois (où Stefan est obligé, littéralement, de mettre genou à terre afin d’observer de plus près l’objet des études de Shuxiu) particulièrement splendides. L’air de rien et sans jamais être austère, Here dégage une puissance insoupçonnée tout en répandant un humaniste très contagieux.

Prix Fipresci de la critique internationale et Prix du meilleur film de la section Encounters à  Berlin en 2023.

JF