Aleksei et Mikhail fuient clandestinement leur pays, la Biélorussie, pour aller en France. Mais, lors de la traversée d'une rivière, Mikhail meurt. Arrivé à Paris, Aleksei s'engage dans la Légion étrangère, afin d'obtenir un permis de séjour temporaire de cinq ans, et est envoyé au combat dans le delta du Niger. Là-bas Jomo, un jeune révolutionnaire, se bat contre les compagnies pétrolières qui détruisent son pays. Avec sa sœur, Udoka, il rêve aussi d'être danseur, un disco boy. Dans la jungle, les rêves et les destins d'Aleksei et de Jomo vont s'entremêler...

C'est à un parcours peu banal et assez inclassable que nous invite Giacomo Abbruzzese avec ce premier long-métrage de fiction (après six courts-métrages et deux documentaires). « Êtes-vous prêt à prendre tous les risques ? » demande le recruteur de la Légion à Aleksei qui lui répond : « Celui qui a peur reste à la maison ». Il n'y a peut-être pas de meilleure façon de résumer l'ambition de ce film défiant les frontières (on passe du Niger à la France, de la jungle à une boîte de nuit) et qui ne peut se réduire à aucune cinématographie familière. Car, s'il fait une sorte de constat peu reluisant de l'état du monde (guerre, colonialisme économique, migrations), c'est avec une approche très originale, une manière onirique puissante qui mêle réalité et magie. Pourtant aucun hermétisme ici, le film est généreux mais préfère l'ellipse au manichéisme, les interrogations aux explications. Mélange de genres, Disco Boy est tout autant un film politique qu'un film de fantômes, et sa réussite est aussi celle de la création d'une atmosphère magnétique.

En compétition au dernier festival de Berlin, le film y a reçu l'Ours d'argent de la meilleure contribution artistique. Une récompense totalement justifiée tant Giacomo Abbruzzese a su s'entourer. La photographie, signée de la grande Hélène Louvart (qui a reçu un prix pour l'ensemble de sa carrière au festival de Rotterdam), est somptueuse ; la musique de Vitalic est hypnotique, et Franz Rogowski (Transit, Ondine, Great Freedom), avec son charisme étrange, excelle.

Voyage géographique empreint de mysticisme, œuvre physique et sensorielle, Disco Boy impose un style éminemment personnel qui nous transporte dans une douce transe où la danse reste, peut-être, le seul moyen de comprendre, d'appréhender l'autre. JF