Prix Michel d’Ornano 2010 au festival de Deauville, standing ovation à la semaine de la critique du festival de Venise, Angèle et Tony arrive précédé d’une belle réputation.

Port en Bessin, un village de pêcheurs en Normandie. Angèle, qui est en liberté conditionnelle, y vient voir son fils, confié à ses grands parents paternels. Pour en récupérer la garde, elle a besoin d’un travail et, ce qui serait encore mieux, d’un mari. Par l’intermédiaire d’une petite annonce, elle rencontre Tony, un marin, qui s’étonne de voir une si jolie fille chercher l’âme sœur ainsi…

Angèle est une jeune femme qui doit réapprendre à vivre, à retrouver les habitudes du quotidien, et à nouveau réussir à créer des liens amicaux ou sentimentaux. C’est comme le dit Clotilde Hesme, son interprète, « un personnage pointu, aigu. Une fille qui a une technique offensive de l’amour et de la sexualité ». Tout le contraire de Tony apparemment plus carré, rude, simple.

Pour cette histoire d’amour hors des clichés, Alix Delaporte a su mettre en valeur ses personnages. « J’ai travaillé dans cet esprit avec Claire Mathon la chef op’ : les magnifier, en faire des héros. Les filmer dans leur quotidien, mais les embellir, grâce à la lumière, grâce aux filtres qu’on a choisis et qui amenaient de la douceur sur les visages ». Elle a choisi de donner une chance à ses protagonistes pour que la rudesse et la violence qui les entoure, et les atteint parfois, ne soient pas une fatalité. Car l’histoire est rude et, sans que jamais cet aspect ne prenne le pas sur le reste, elle évoque la colère des pêcheurs dans une région sinistrée par la crise (raconter une histoire dans un fort contexte social et économique, on pense à Ressources humaines ou Welcome, entre autres).

Ironiquement, on pourrait résumer brièvement le film en parlant d’une romance entre une fille paumée et un marin bourru. On serait très loin du compte. Très loin de la délicatesse qui imprègne le film. Très loin de ces personnages blessés qui irradient d’une bonté et d’une envie de vivre sacrément contagieuse. Car en suivant ces deux êtres longtemps méfiants, maladroits, une embellie se crée peu à peu et elle nous emporte. Tout en restant discret, pudique, Angèle et Tony n’a alors pas peur du romanesque : de plus en plus lumineux, de plus en plus émouvant.

Porté par deux interprètes qui magnétisent l’écran et dont l’alchimie est parfaite, Angèle et Tony est parsemé de scènes superbes (Tony apprenant patiemment à Angèle à reconnaître les poissons, le spectacle avec les enfants) qui culminent avec une fin où mère, mer et marin se mêlent magnifiquement.

JF