Comme Bashung dans son « Vertige de l’amour » (J'ai crevé l'oreiller, J'ai dû rêver trop fort), ou encore « Oh Gaby, tu devrais pas m’laisser la nuit… », cette Gabrielle allumée, formidablement interprétée par Marion Cotillard, nous transporte dans ses vertiges et hallucinations. Pourtant, elle n’a fumé que des pétards à la graine de lavande roulée dans des feuilles des livres des sœurs Brontë… Plus sérieusement, j’ai aimé, le regard, la réflexion sur la douleur, la souffrance, le mal, la culpabilité dans un milieu rural des années 50. Dieu rôde encore, il engendre les névroses à la chaîne. Ce film féminin est plein de sensualité, Marion / Gabrielle explose, notamment dans ce très beau plan sur le triangle noir filmé au ras de l’eau, sous une jupe, dans une rivière limpide, fraîche et tumultueuse. Mais le crucifix, omniprésent, étouffe et anéantit ces bouffées sensuelles. Cette fois c’est Ferré qui est convoqué, c’est vraiment extra (« ce mal qui nous fait du bien » et « cette touffe de noir jésus qui ruisselle dans son berceau »).
Un tout petit reproche cependant, comme toujours dans les reconstitutions des années 40 ou 50, on sort les bonnes vieilles Arondes (Simca) et autres 4CV (Renault) ou 203 (Peugeot) des ateliers de collectionneurs et il faut absolument que ça rutile, pas un grain de poussière, pas la moindre saleté sur les carrosseries étincelantes. Dommage, l’image est souvent trop lisse, trop soyeuse, ça nuit un peu à la cohérence de cette histoire de fille perdue qui n’en finit pas de se chercher.
C’est quand même un très beau regard sur la société rurale corsetée par la famille et la religion qui annonce déjà l’explosion de 68. Et un magnifique dernier plan apaisé. On avait encore de l’espoir à cette époque…