Avec l'enchanté s'achève le cycle de nos rendez vous périodiques de l'été avec un Miguel Gomes s'échinant à « filmer des fables intemporelles » tout en étant « engagé dans le présent  ». Alors qu'elle craint que son pouvoir de fascination ne soit vacillant, face au pouvoir et aux turpitudes sanguinaires de son royal époux, tant ses derniers récits sont apparus inquiétant et désolant, Shéhérazade n'a plus comme seule ressource que de mêler les mythes anciens ( les génies des airs, dont l'un finira empêtré dans un filet tendu par un quelconque pinsonneur) et les mythes modernes (Elvis soi même, devenu voleur et un Paddleman père de 200 enfants). Ce troisième opus est on le voit marqué du signe de l'ironie et de la malice. Comme lors des deux précédents épisodes la réalité est est ici convoquée avec des faits divers (« Forêt chaude » migrante chinoise séduite et abandonnée par son amant de policier manifestant sauvagement dans un affrontement avec ses propres collègues de répression). Elle apparaît surtout avec une attention portée à ce peuple de passionnés de pinson, enchanté par le chant de ces oiseaux, tant convoités et bichonnés, tant pas les actes que par les mots inventés à leur intention. Exit la crise ? Pas vraiment puisque l'on peut au même moment entendre la foule en colère entonner « Grandola villa morena » qui appelle à ce que « seul le peuple ordonne ». Le plan final verra le maître des pinsonneurs qui, après avoir libéré l'esprit des airs du filet dans lequel il était prisonnier, reprendre sa route, toujours pauvre mais libre et passionné.
Shéhérazade s'est, au cours de ce troisième film, réappropriée ces mille et un récits enchantés au moyen de textes incrustés à l'écran. Sera ce suffisant pour échapper au sort funeste et cruel qui lui est promis ? A la vue de la façon dont la Grèce vient d'être « sauvée par la Troïka », il n'est pas certain que cela soit non plus suffisant pour tirer le peuple Portugais de l'inquiétude et de la désolation. Pas sûr non plus qu'il en aille différemment pour nous. A moins que la (grande) roue ne se mette à tourner dans le bon sens.
Merci à Miguel Gomes pour ce voyage tourmenté et inspiré dans le temps et dans l'espace.